13 December 2018 - 14 December 2018
Journées d’étude 13 et 14 décembre 2018
CESSMA / URMIS
Université Paris Diderot
Bâtiment Olympe de Gouges (salle M019)
Rue Albert Einstein, 75013 Paris.
2018, 50 ans après 1968, voit exploser la question des sexes et des sexualités comme identités et pratiques dans les arènes publiques, et envahir les champs médiatiques, politiques mais aussi scientifiques. C’est pourquoi nous souhaitons réfléchir de façon transversale sur les sens et les occurrences des sexes et des sexualités dans l’élaboration de nos objets et de nos problématiques dans le cadre de nos disciplines, de leurs transformations politiques, et de nos adaptations générationnelles. Il suffit par exemple de regarder l’ensemble des recherches concernant le climat ou l’environnement qui, sous le terme de genre, réintroduisent la binarité sexuelle comme un facteur à prendre en compte. Dans cette perspective, la neurobiologie, le cognitivisme, et le comportementalisme constituent les fers de lance de nouvelles conceptions scientifiques (et de gestion) se livrant à des assauts extrêmes sur toutes les disciplines d’analyse du social : économie, anthropologie, sociologie, psychologie, sciences juridiques, etc. Cette véritable « révolution » reconfigure de façon décisive le sujet comme objet de recherche et comme chercheur, réintroduisant et réaffirmant les déterminations biologiques du sexe et de la sexualité. En regard de cette évolution idéologique qui imprègne les espaces scientifiques, différentes attitudes générationnelles s’observent : certain-e-s s’accrochent à leurs vieilles antiennes tandis que d’autres s’essayent en permanence à re-questionner la question et les positions désormais dominantes dans leur discipline.
Une des intentions de ces journées d’étude est d’interroger dans l’histoire scientifique des cinquante dernières années comment les chercheur-e-s s’inscrivent dans des projets thématiques et (trans-)disciplinaires et comment ces derniers ont « bougé ». Des objets qui occupent les champs scientifiques et politiques, – dispositifs sexe/genre/sexualité, domination masculine, prostitution, harcèlement sexuel, pornographie, consentement, etc. – appellent à être relus à la lumière de leur présentation dans les années 70, afin de cerner les reconfigurations en jeu. Beaucoup de conflits intellectuels et scientifiques mettent en scène des différences générationnelles jamais analysées comme telles dans leur profondeur historique, par méconnaissance, indifférence ou occultation.
Il ne s’agit pas de s’appesantir une énième fois sur le passage de sexe à genre qui a marqué les générations antérieures, avec différentes formules telles rapports sociaux de sexe et sexe social ; nous ne souhaitons pas non plus re-postuler nostalgiquement le bloc nominatif du sexe ; plus clairement, nous voudrions appréhender la renaturalisation du sexe et des sexualités qui interpelle frontalement la réflexion épistémologique. Deux lignes nous paraissent centrales, sans pour autant être exhaustives en relation avec les contributions :
– Les normes, leur statut intellectuel et scientifique, leur subjectivation.
Dans les différents espaces qui constituent notre vie, quel rapport entretenons- nous avec les normes tout à la fois sexuées, idéologiques et herméneutiques, dont l’articulation appelle à être refaite de manière permanente? Comment la dimension générationnelle, au sens de Mannheim, intervient–elle dans la soumission aux perspectives dominantes, leur critique, leur reformulation subversive, etc. ; en particulier en regard des plateaux neurobiologiques, neuro-économistes, comportementalistes et consuméristes qui se nourrissent de leur numérisation globale?
– Les logiques du désir et du sujet.
L’ensemble des sciences sociales font intervenir de manière directe ou voilée des conceptions du sujet comme concepteur des problématiques mais aussi comme doté d’une ou plusieurs identités. La multiplication des identités sexuées, le retour contradictoire et réïficateur à la binarité sexuelle, l’injonction à une sexualité performante et diversifiée, la judiciarisation des comportements, mettent en scène des sujets aux désirs ambivalents et labiles susceptibles d’être reproduits ou ignorés par le sujet-chercheur-e ainsi que l’illustrent les « sciences du désir » (Gardey, Vuille, 2018). Les sites numériques jouent ici un rôle essentiel, révélateur du rapport des sujets à leurs identités, à leurs pratiques sexuées et à la socialisation de leurs aventures et mésaventures, ainsi que le montrent les # metoo, balance ton porc, etc.