18 décembre 2020
Journée d’étude F3S CEPED – URMIS
18 décembre 2020
Coordination
Béatrice de Gasquet (URMIS) et Marc Pilon (CEPED)
La quantification des appartenances religieuses n’est pas une pratique habituelle en France, peut-être à cause d’une culture scientifique profondément républicaine et laïque. L’usage en est beaucoup plus répandu au Canada et aux Etats-Unis, où le Pew Research Center publie des annuaires et des projections des appartenances confessionnelles à travers le monde, prédisant par exemple que, du fait d’une fécondité plus forte, le nombre de musulmans va augmenter à un rythme plus rapide que celui des chrétiens (Lugo, 2010 ; Pérouse de Montclos, 2018).
La quantification des religions, en termes de poids démographique, est une préoccupation ancienne, diversement pratiquée au cours du temps et selon les pays (réf), qui revêt souvent une dimension politique très marquée (réf), et dont la méthodologie pose toujours question (Nolte et al., 2016 ; Griera, 2018 ; Dasré & Hertrich, 2017 ; Pilon et al., 2019). Que faut-il entendre par quantifier les religions : s’agit-il de croyances ? de pratiques ? d’une auto-identification à des appartenances communautaires ? d’affiliations concrètes et à quel moment de la vie ? Qu’en est-il de la non croyance ? Comment évoluent les catégories, les terminologies utilisées ? Se pose également la question des acteurs et des commanditaires des quantifications : qui sont-ils ? comment travaillent-ils ? Quels intérêts portent-ils ? Quels sont les contextes politiques, sociaux et économiques dans lesquels ils évoluent ?
Par-delà la seule quantification, il convient ensuite de pouvoir expliquer les évolutions statistiques, qui peuvent relever de la conjugaison de plusieurs phénomènes. Comment déterminer la part des conversions religieuses (entre autres par le biais du mariage ou encore au cours de migrations), de dynamiques sociodémographiques différentielles (en termes de polygamie –en Afrique-, de comportements de fécondité, de migration, etc.), de la transmission religieuse intergénérationnelle (parents-enfants, et en fonction du sexe) ? (Pilon et al., 2019).
Pour l’Afrique, à l’exception des projections publiées par le Pew Research Center aux Etats-Unis, très peu de travaux cherchent à documenter la dynamique démographique des religions, si tant est qu’on puisse sérieusement la mesurer. Si de nombreux recensements de la population et enquêtes démographiques prévoient une question relative à la religion, celle-ci fait très rarement l’objet d’analyses statistiques spécifiques, par-delà la publication de quelques chiffres dans les rapports officiels. Les très fortes réserves sur la fiabilité des réponses ainsi obtenues, combinées dans certains contextes nationaux à la forte sensibilité politique relative au poids démographique des religions, se traduisent par un désintérêt scientifique pour cette question. Par ailleurs, alors que le religieux occupe de plus en plus la scène médiatique et politique, la plupart des acteurs, notamment religieux ou politiques, ignorent comment est collectée l’information sur la religion et certains s’emparent des quelques statistiques publiées sans recul critique.
En regard de ces différents éléments de contexte, il apparaît nécessaire de proposer une discussion critique sur la production des données chiffrées relatives aux religions, de s’interroger sur les failles, les biais et les limites qui en résultent, mais aussi de mettre en lumière les potentialités d’analyse qu’elles offrent ; de questionner enfin les usages qui peuvent être faits des statistiques disponibles. Une telle démarche se situe au croisement de plusieurs disciplines des sciences sociales : anthropologie, sociologie, démographie, sciences politiques, histoire, économie…
A partir de contextes et de terrains différents, plusieurs chercheurs du CEPED (Véronique Duchesne, Hamidou Dia, Marc-Antoine Pérouse de Montclos, Marc Pilon) et de l’URMIS (Béatrice de Gasquet, Zahia Ouadah-Bedidi) conduisent des travaux de recherche et mènent des activités en lien avec ces questions :
- au CEPED, une dynamique de recherche est en cours, centrée sur l’Afrique, visant une analyse critique des métadonnées relatives au recueil de l’information sur les appartenances religieuses, à partir des recensements de la population et des principales enquêtes démographiques (EDS, MICS).
- A l’URMIS, Béatrice de Gasquet coordonne un dossier de la revue Archives de sciences sociales et religion sur les usages religieux de la quantification
(https://journals.openedition.org/assr/3683);
La journée d’étude permettra :
- de partager les recherches en cours, les approches, les projets au sein des deux UMRs, mais aussi de manière plus large en invitant d’autres chercheurs, hors de la F3S ;
- d’échanger sur les perspectives de valorisation et de renforcement de la recherche autour de ces questions relatives à la quantification des religions et aux facteurs de leurs dynamiques démographiques : projet de recherche collectif, d’ouvrage….
Références bibliographiques
Dasre A., Hertrich V., 2017, Comment aborder les pratiques religieuses en Afrique subsaharienne ? Les enseignements d’une enquête longitudinale en milieu rural malien, Paris, INED, Documents de travail n° 232.
Griera Mar, 2018, “Counting and Mapping Religious Diversity: Methodological Challenges, Unintended Consequences, and Political Implications”, In: Kühle, Lene; Hoverd, William; Borup, Jørn (eds.), The Critical Analysis of Religious Diversity. Brill, Leiden, Boston: 41-62.
Pilon M., Degorce A. et Langewiesch K, 2019, « Les enjeux des chiffres : la démographie des religions au Burkina Faso », in Rencontres religieuses et dynamiques sociales au Burkina Faso, Alice Degorce, Ludovic O. Kibora & Katrin Langewiesche (Éds.), Editions Amalion, Dakar, pp. 165-196.
Lugo Luis et al., 2010, Tolerance and Tension: Islam and Christianity in Sub-Saharan Africa, Washington DC, Pew Research Center, 324p.
Pérouse de Montclos Marc-Antoine, 2018, L’Afrique, nouvelle frontière du djihad ? Paris, La Découverte, 239p.
Nolte Insa, Rebecca Jones, Khadijeh Taiyari et Giovanni Occhiali, 2016, “Exploring Survey Data for Historical and Anthropological Research: Muslim–Christian Relations in South-West Nigeria”, African Affairs, 115/460: 541–561
Programme
9h30-10h
tour de table ; présentation de la Journée
Animation : Marc
10h – 10h45
Présentation-discussion des travaux passés et en cours
Animation : Béatrice
Marc-Antoine Pérouse de Montclos
L’islamisation de l’Afrique entre fantasmes et controverses : un débat avec, contre… et sans les nombres
Alice Degorce -Katrin Langewiesche – Marc Pilon
Les enjeux des chiffres : la démographie des religions au Burkina Faso
10h45 – 11h30
Présentation-discussion des travaux passés et en cours (suite)
Animation : Katrin
Aurélien Dasré
Approche statistique de la « mobilité » religieuse chez les Bwa (Mali)
Yonatan N. Gez
« Butinage: The Art of Religious Mobility » (ouvrage à paraître)
11h30 – 11h45
pause-café/thé
11h45 – 12h30
Présentation-discussion des travaux passés et en cours (suite)
Animation : Alice
Nadia Beider, Helga Dickow et Yonatan N. Gez
Non-religious People in Sub-Saharan Africa
Valérie Golaz
Analyses statistiques exploratoires sur la religion au Kenya et en Ouganda
Marc Pilon
Démographie des religions au Togo : analyse exploratoire du RGPH de 2010
12h30 – 14h
pause déjeuner
plateaux-repas sur place
14h – 15h30
Echanges sur les perspectives (recherche, dynamique collective, valorisation
Animation : Véronique et Marc
Projet DEMORELAF
Retour sur le document de projet : échanges en fonction de la décision pour le financement
Marc Pilon
Présentation des métadonnées sur la religion (RGPH, EDS, MICS)
Hoel Berger
Projet de recherche sur fécondité et religion
15h30 – 15h45
pause-café/thé
15h45 – 17h
Perspectives…
Animation : Véronique et Marc
Participants
Nom |
Prénom |
Institution |
Discipline |
BEIDER | Nadia | The Hebrew University of Jerusalem | Doctorante en sociologie |
BERGER | Hoël | Université de Paris 10 | Etudiant de M2 en démographie |
DASRE | Aurélien | Université de Paris 10 | Démographe |
DE GASQUET | Béatrice | Université de Paris | Anthropologue |
DEGORCE | Alice | Institut de recherche pour le développement (IRD) | Anthropologue |
DIA | Hamidou | Institut de recherche pour le développement (IRD) | Sociologue |
DICKOW | Helga | Arnold Bergstraesser Institut, Freiburg | Sciences politique |
DUCHESNE | Véronique | Université de Paris | Anthropologue |
GEZ | Yonatan | Arnold Bergstraesser Institut, Freiburg | Socio-anthropologue |
GOLAZ | Valérie | Institut National d’Etudes Démographiques (INED) | Démographe |
LANGEWIESCHE | Katrin | Johannes Gutenberg University, Mainz. Anthropology and African Studies | Anthropologue |
PEROUSE DE MONTCLOS | Marc-Antoine | Institut de recherche pour le développement (IRD) | Sciences politiques |
PILON | Marc | Institut de recherche pour le développement (IRD) | Démographe |
SAINT-LARY | Maud | Institut de recherche pour le développement (IRD) | Anthropologue |