11 septembre 2019 - 13 septembre 2019
Colloque international organisé par la Fédération Sciences Sociales Sud (F3S)
11-12-13 septembre 2019
Paris – Université Paris Descartes
La notion de circulation se démarque du diffusionnisme des approches en termes de « transfert » : les processus de déplacement, les échanges, les hybridations, les processus d’aller-retour sont pris en compte, plutôt qu’un simple mouvement d’un lieu de départ à un lieu d’accueil. L’objectif de notre colloque est ainsi de revenir sur les études de « la globalisation » à partir des circulations des idées, des normes et des savoirs, en étant attentifs aux stratégies des acteurs, dans une perspective décentrée, et en dépassant les approches en termes de transfert et d’uniformisation. Il s’agit ainsi d’étudier l’impact des polarisations économiques et des rapports de pouvoir internationaux sur ces circulations d’idées, de normes et de savoirs, mais en dépassant le seul face-à-face entre hégémonies et subalternisations et une vision en termes d’uniformisation : peut-on parler ici de globalisations au pluriel ou observer des processus de globalisation parallèles non-hégémoniques ? Quels en sont les acteurs et les processus principaux ? Dans quelle mesure, par exemple, des fragmentations des territoires ou des segmentations sociales transparaissent également dans ces circulations, dans ces processus d’appropriations et de réinventions de savoirs, en particulier dans les imaginaires collectifs ? Nous souhaitons ainsi interroger les manières dont les idées, les normes et les savoirs circulent pour rendre compte des asymétries à l’oeuvre, mais aussi de la manière dont, dans les pratiques, elles peuvent être contournées, remises en cause, réinterprétées dans des configurations parfois inédites.
Ces réflexions seront menées autour de 4 axes :
1. Circulations des normes internationales et productions des savoirs scientifiques :
Les instances internationales, en particulier onusiennes, sont des producteurs de normes et de notions présentées comme des concepts qui sont largement reprises dans les champs scientifiques à différentes échelles, nationales ou transnationales, ou deviennent des thèmes prioritaires pour la recherche. Prenons pour exemple les termes de Santé globale, sécurité humaine, sécurité alimentaire, pauvreté, sécurité/migration, autochtonie, afrodescendants, genre, société civile, etc. Le mouvement n’est pas unilatéral car dans le même temps, nombre de scientifiques travaillent comme experts pour ces instances. Il s’agit donc d’interroger à la fois les processus de construction et d’apparition de ces normes internationales et leurs circulations et leurs réinterprétations dans les champs scientifiques et notamment dans les sciences humaines et sociales (SHS).
Répondre à cette question nécessite de comprendre quels sont les impacts des normes des instances intergouvernementales (OMC, FAO, OMS, UNESCO, Union Européenne…) sur la construction des savoirs dans les SHS. Comment par exemple ces normes internationales sont-elles construites, à l’intersection de quels champs ? Comment sont-elles retranscrites dans les objets, les méthodes de recherche, le développement de certains champs scientifiques, l’émergence d’idées, de concepts, de catégories de pensée ? Comment leur ré-appropriation par les communautés scientifiques peut-elle conduire à l’instauration de savoirs scientifiques globalisés ? Nous interrogerons aussi les manières dont les politiques internationales, leur idéologie, leur mise en oeuvre et leurs effets, contraignent et appauvrissent l’imagination scientifique en imposant des thématiques au détriment d’autres et en créant des concepts flous parfois repris par la recherche.
2. Circulation des savoirs localisés et normes internationales
La reconnaissance internationale des savoirs non académiques dits « autres » (autochtones, populaires, paysans, locaux…) est passée par leur prise en compte par les instances intergouvernementales. Elle a été accompagnée par la mise en place d’encadrements juridiques, de programmes et d’opérations internationales instaurant des normes en vue de leur « intégration » dans les développements économiques, politiques et sociaux nationaux. Les circulations de ces savoirs et normes conduisent d’une part à des conflits sociaux sur les terrains où elles opèrent, à des controverses scientifiques dans les débats académiques sur la définition de ces savoirs localisés et la capacité des normes internationales à les prendre en compte les savoirs. D’autre part, ces circulations aboutissent à l’instauration de dispositifs de valorisation marchande (standards, certifications, labellisation) influençant ainsi les espaces de fabrication des biens marchands, les modes d’organisation de leurs circulations, ainsi que les pratiques de consommation. De quelle manière peut-on observer ici des globalisations différenciées des savoirs localisés et quels en sont les enjeux ? Quelles transformations subissent les savoirs locaux au cours de leur intégration aux savoirs globalisés ?
3. Idées, normes et savoirs dans les circulations des marges
Il convient de considérer les limites des mécanismes de circulation. Les connexions globales sont plus ou moins concentrées ou diffuses selon les lieux et les périodes. Ainsi, toutes les sociétés ne sont pas reconfigurées par les circulations globales au gré de processus d’échanges et de réappropriations. Des poches d’autonomie existent, dues à des formes variées de résistances ou à la distance symbolique ou physique aux centres où se concentrent les circulations. Dans quelle mesure peut-on observer au-delà des productions hégémoniques, d’autres types de circulation, « en marge » ou à d’autres échelles, défendant d’autres idées, instaurant d’autres normes, conduisant à la production de savoirs alternatifs et pouvant aboutir à des formes de globalisations parallèles ? Dans quelle mesure ces idées, normes et savoirs sont-ils à leur tour marginalisés ou repris dans les disciplines scientifiques académiques ?
4. Circulations des idées et des normes politiques
De quelle manière circulent les idées et les normes politiques ? Quels en sont les acteurs et les principaux processus ? Quels sont les enjeux politiques de circulations de savoirs qui ne se donnent pas immédiatement comme politiques ? Faut-il par exemple distinguer radicalement deux types de processus : d’une part des circulations militantes en réseau, où s’opèrent des appropriations et des réappropriations croisées d’idées, d’idéologies, d’imaginaires et de répertoires d’action et d’autres types de processus comme l’imposition de normes et de politiques par des instances internationales ou occidentales ? Comment certaines normes et certaines idées sont reprises par les acteurs politiques dans leur engagement sur le terrain ?
Et quel est ici le rôle des États, et quelles sont face à ces instances les demandes, les marges de manoeuvre, les remises en cause ou les transformations dans les processus d’implantation de ces politiques (par exemple la mise en place des politiques de sécurité dans les pays non-occidentaux) ?
Comité d’organisation :
- Pierre Guidi, (CEPED, IRD)
- Fatiha Kaouès, (GSRL, EPHE)
- Mina Kleiche-Dray, (CEPED, IRD)
- Pénélope Larzillière, (CEPED, IRD)
- Isabelle Léglise, (SeDyL, CNRS)
- Marie-Albane de Suremain, (CESSMA, UPEC)
- Denis Vidal, (URMIS, IRD)
Comité scientifique :
- Souleymane Bachir Diagne, (Columbia University)
- Gloria Baigorrotegui, (IDEA, Universidad de Santiago de Chile)
- Stéphane Dufoix, (SOPHIAPOL : université de Nanterre, IUF)
- Étienne Gérard (CEPED, IRD)
- Pierre Guidi, (CEPED, IRD)
- Sari Hanafi, (SOAM, American University of Beirut)
- Wiebke Keim, (SAGE, CNRS)
- Mina Kleiche-Dray, (CEPED, IRD)
- Pénélope Larzillière, (CEPED, IRD)
- Isabelle Léglise, (SeDyL, CNRS)
- Jacques Pouchepasdass, (EHESS)
- Laurence Roulleau-Berger, (Triangle, CNRS)
- Subramanyam Sanjay, (UCLA)
- Marie-Albane de Suremain, (CESSMA, UPEC)
- Hebe Vessuri, (CONICET)
- Denis Vidal, URMIS, IRD)