De la voix des enquêtés à la voix du chercheur : Les processus de construction de légitimité du jeune chercheur
Colloque des Doctorants de la Fédération Sciences Sociales Suds (CODOFE) 2018
Université Paris-Diderot, rue Albert Einstein – 75013 Paris, bâtiment Olympe de Gouges, salle 870
22 et 23 novembre 2018
Le CODOFE 2018 a pour but de refléter la dynamique pluridisciplinaire qui réunit des doctorants et jeunes docteurs des différents laboratoires en sciences humaines et sociales. L’objectif de ce colloque est de réfléchir sur la construction de la légitimité du jeune chercheur tout au long de sa recherche.
La notion de légitimité renvoie à ce qui est juste et équitable dans un cadre donné, autrement dit, est « légitime » ce qui obéit à une norme dominante. Ce qui n’entre pas dans ce cadre apparaît donc « illégitime ». En changeant d’espace, social, géographique, culturel ou académique, les référents de ce qui est légitime se transforment et le discours du chercheur se reconstruit par besoin de reconnaissance. En effet, sa légitimité est une variable déterminante pour le bon déroulement de la recherche. Questionner la légitimité du chercheur, particulièrement l’objet et les pratiques de sa recherche permet d’éclairer les mécanismes de reconfigurations d’apparences, de discours et de réflexions que suscite un travail de thèse.
Les jeunes chercheurs souhaitant participer à ce colloque sont invités à partager leur travail réflexif sur leurs stratégies de construction de légitimité en tant que chercheur sur le terrain, leurs méthodes d’approche des personnes, d’analyse et de diffusion des résultats.
Le CODOFE 2018 se déroulera autour des trois axes thématiques suivants :
1 – Les apparences : des mises en scène déployées par le chercheur pour approcher son objet d’étude
L’entrée sur le terrain est un moment de confrontations entre, d’une part, les objets sociaux étudiés et, d’autre part, un cadre théorique, des catégories d’analyses et une problématique élaborés au préalable. Néanmoins, le positionnement théorique s’accorde difficilement aux réalités rencontrées sur le terrain. En effet, le face à face du chercheur avec les personnes enquêtées oblige à mettre en place tant des variétés d’approches, que des stratégies de négociations ou des accords pour le partage des résultats. Qu’il s’identifie ou non à la population, à la communauté ou encore au groupe social étudié, le chercheur est amené à modifier sa présentation et/ou son image à différents moments de sa recherche. Comment s’adapte-t-il au terrain et quelles stratégies déploie-t-il pour construire une légitimité ? Dans quelle mesure ces stratégies sont-elles négociées avec les enquêtés ?
2 – Les discours : le chercheur, porteur de voix recueillies sur le terrain
La voix des individus ou d’une communauté en générale est objet d’étude partagé par les disciplines qui composent les sciences humaines et sociales. Le chercheur est porteur d’un message, d’une idée ou d’une connaissance qu’il interprète. La voix se matérialise tant par la production de paroles orales et écrites, que par des expressions qui mettent en mouvement des corps, des sons, des formes et des couleurs. Recueillir des données requiert souvent des échanges interpersonnels, d’observations et/ou de participations. Écouter, capter et porter une voix suscite un jeu de paroles, un lexique du gestuel corporel, synonyme d’une conciliation stratégique entre des individus, c’est-à-dire entre le chercheur et les personnes avec lesquelles il travaille. Comment la voix émise sur le terrain traverse les transformations que subit le discours du chercheur, soumis au besoin de reconstruire sa légitimité selon le contexte dans lequel il communique ?
3 – La co-construction d’idées : une négociation permanente entre outils théoriques et analyses empiriques
Dans l’élaboration de son projet de recherche, le chercheur se construit à l’aide d’un langage académique qu’il puise dans ses communications avec la communauté de chercheurs, ainsi que dans une bibliographie spécifique de son domaine d’études. Son raisonnement et son discours suivent alors la structure langagière d’une sphère intellectuelle spécifique. Au contact du terrain, les perceptions du monde des informateurs et/ou des chercheurs locaux peuvent obéir à des logiques similaires ou contradictoires à celles du chercheur. L’enjeu de co-construction est alors de trouver des liens entre les différentes épistémologies, liens qui faciliteront l’intercompréhension, constructrice de légitimité. Quels terrains d’entente s’ouvrent au chercheur ? Quels concepts fondateurs de sa pensée est-il prêt à modifier ?
Modalités
Cette rencontre, pensée et organisée par les doctorants de la F3S, se veut aussi un lieu d’échanges entre jeunes chercheurs (doctorants, postdoctorants, jeunes docteurs) de toutes disciplines souhaitant mettre en commun leurs expériences de recherche dans un cadre bienveillant. Le colloque sera clôturé par un cocktail.
Les propositions sont à envoyer aux coordonnateurs du colloque à dans la limite de 500 mots (une page) présentant un résumé et le titre de la communication, la thématique, le(s) champ(s) disciplinaire(s), les nom et prénom du communicant, l’institution de rattachement, et des références bibliographiques.
Calendrier
Date limite d’envoi des propositions : 19 octobre 2018
Annonce des communications retenues : 05 novembre 2018
Comité d’organisation
Veronique Acking (Université Paris-Diderot, CESSMA), Houssamoudine Ankili (Université Paris-Diderot, CESSMA), Suat Istanbullu (INALCO, SEDYL), Gilles Martinet (Université Paris 3-Sorbonne Nouvelle, CREDA), Aïda Ramirez Romero (Université de Nice Sophia Antipolis, URMIS) et Jhonnatan Rangel (INALCO, SEDYL).
Fédération Sciences Sociales Suds (F3S)
Créée dans le cadre du PRES Sorbonne Paris Cité, la Fédération Sciences Sociales Suds (F3S), rassemble quatre laboratoires pluridisciplinaires consacrés à l’étude des problématiques propres aux pays dits du Sud : le CEPED (Centre Population et Développement, Paris-Descartes – IRD), le CESSMA (Centre d’études en sciences sociales sur les mondes africains, américains et asiatiques, Paris-Diderot – INALCO – IRD), le CREDA (Centre de recherches et de documentation des Amériques – CNRS), le SEDYL (Structure et Dynamique des Langues – CNRS, INALCO, IRD) et l’URMIS (Unité de recherche migrations et sociétés, Paris- Diderot – Sophia-Antipolis – CNRS, IRD).
Références bibliographiques
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