20 novembre 2023 - 21 novembre 2023
Journée d’étude F3S – INALCO
Organisation : Isabelle Léglise (CNRS SeDyL) ; Cécile Van den Avenne (EHESS, IMAF) ; Thomas Veret (IRD, SeDyL)
–> Pré-inscription obligatoire
Cette journée d’études part du constat que les enjeux de publication académique participent pleinement des inégalités et des rapports de pouvoir dans la production des connaissances scientifiques. Elle s’inscrit ainsi dans le sillage d’une réflexion menée depuis plusieurs décennies sur un accès inégal à des positions énonciatives légitimes et légitimantes, expliqué tantôt par les déséquilibres économiques importants qui structurent le champ scientifique globalisé et les marchés de l’édition académique, tantôt par les processus de marginalisation qui, par l’exclusion ou la mise à l’écart de certains savoirs ou acteurs épistémiques, tendent à « inhiber les alternatives à la connaissance dominante » (Collyer 2018 : 13) et à renforcer son hégémonie.
Dans ce contexte, l’accès à la publication a souvent été présenté comme un maillon essentiel de la reproduction des inégalités et des rapports de pouvoir entre Nord et Sud Global. En témoignent les phénomènes de gatekeeping identifiés par Canagarajah (2002) ou Lillis et Curry (2010), ainsi qu’une étude récente sur la composition des comités éditoriaux comme facteur de diversification dans l’origine des articles publiés (Goyanes et Demeter 2020). Par ailleurs, la circulation des textes d’un contexte à l’autre mettent en évidence les idéologies qui gouvernent la réception des textes d’un contexte à l’autre (Van den Avenne 2019). Les pratiques de publication comme les pratiques éditoriales sont ainsi amenées à renforcer les inégalités et les hiérarchies symboliques qui favorisent le Nord au détriment du Sud Global. Par là-même, elles peuvent aussi former des lieux de résistance, par exemple lorsque tel ou tel comité de rédaction s’engage pour davantage de justice sociale dans la sélection des articles (Veret 2023).
En lien avec la publication, la citation a aussi été identifiée comme un lieu de pouvoir et d’inégalité : elle constitue en effet un indice de phénomènes de domination épistémique (Beaud 2021), d’effacement et de compartimentalisation des connaissances (Léglise 2022), mais aussi un levier d’action pour contrer la prédominance de certaines références au profit d’auteurs et d’autrices minorisées (Ahmed 2017). La citation reflète donc le champ scientifique autant qu’elle contribue à le structurer, que ce soit par la création de réseaux intertextuels ou par la légitimation de certains savoirs au détriment d’autres. Ainsi les pratiques de citation des chercheurs et des chercheuses donnent-elles à voir comment ils hiérarchisent les savoirs à leur disposition et, éventuellement, comment ils investissent de manière politique la reprise (ou la non-reprise) de telle référence (Agawu 2007).
Cette journée d’études a donc pour vocation d’explorer conjointement la publication et la citation en tant qu’elles participent des inégalités qui structurent le champ scientifique et des formes de résistance à ces inégalités. Elle s’intéressera en particulier à la production de savoirs depuis et sur l’Afrique, tout en fournissant des éclairages d’autres contextes dits périphériques ou semi-périphériques (Amérique latine, Europe de l’Est). L’objectif est donc d’aborder la publication et la citation en fonction des enjeux économiques, idéologiques et géopolitiques qui façonnent la production académique et organisent la légitimité au niveau local, régional ou international. Pour ce faire, cette journée d’études s’appuiera sur des approches empiriques de la publication et de la citation, qu’elles soient qualitatives ou quantitatives et fournira un espace pour des retours d’expérience concernant des initiatives éditoriales, ou des dispositifs formels ou informels mis en place par des comités de rédaction pour favoriser une plus grande diversité des auteurs et autrices.
Programme
Programme JE 20-21 nov 261023